Fin de garde [Clos]

Au lieu d’un nouveau venu, Leïla remarqua assez vite qu’il s’agissait d’une nouvelle venue, et non blessée, par miracle. Jordan avait passé la nuit à tourner, retourner et tourner encore dans son lit, à la recherche du sommeil, et pourtant, ce dernier n'était jamais venu...

Se décidant finalement, vers six heures, à faire autre chose que glander paisiblement dans son lit, en tournant et tournant encore, Jordan s’était levée, avait enfilé sa tenue réglementaire, et c’était aventurée dans les couloirs, faisant une petite ballade matinale dans la flèche de la cité (les autres niveaux inférieurs à la flèche n’étaient pas accessibles pour le moment, le docteur Weir préférant restreindre les mouvements dans la cité en attendant une exploration plus poussées)...

Relevant les yeux en sortant de ses pensées, Jordan regarda où ses pieds l’avaient mené : dans un couloir qui lui était désormais familier depuis maintenant presque deux semaines, longues semaines à ses yeux ; celui de l’infirmerie. Jordan n’était pas de garde aujourd’hui, mais n’ayant vraiment rien d’autre à faire (à part broyer du noir en pensant à son fiancé et à sa famille), Jordan se dit qu’elle pourrait aller proposer son aide à la personne de garde, quitte à la remplacer si elle le souhaitait...

Traversant le couloir en quelques enjambées, Jordan s’arrêta devant la porte de l’infirmerie. D’un geste de la main, elle activa l’ouverture de la porte. Une chance pour elle d’avoir le gène des anciens. A défaut de la transformer en super héroïne, il lui permettait au moins de faire un peu plus que d’ouvrir les portes et d’allumer la lumière -_-". Enfin bon, d’après ce qu’elle avait pu voir, le Docteur Beckett travaillait actuellement sur une thérapie génétique, alors peut-être toute l’expédition aura-t-elle le gène d’ici quelques semaines, voir quelques jours...

La porte s’ouvrit donc avec ce bruit si caractéristique sur lequel Jordan avait flashé immédiatement. Bon vous me direz, elle est fêlée, mais elle trouvait ce bruit si délicat, et si doux... Enfin bon...

Jordan entra dans la pièce, s’arrêtant sur le palier. Son regard balaya rapidement la pièce principale, dans laquelle s’alignaient des lits dans le fond de la pièce. Tout de suite à sa droite, un bureau, et une femme installée confortablement sur sa chaise :

« Bonjour. Je ne dérange pas j’espère ? » demanda-t-elle à voix basses en voyant, pas loin de là, un militaire dormir paisiblement sur l’une des couchettes des anciens. « Je n’arrivais pas à dormir, et n’ayant rien à faire, je me demandais si ça vous intéresserez que je prenne votre garde. »

Jordan afficha un sourire. Pour quelqu’un qui n’avait pas dormi de la nuit, Jordan paraissait plus qu’en forme, comme son sourire l’indiquait...

Un bruit délicat et doux, celui de l’ouverture des portes de la base ? Ce n’est pas vraiment comme ça que l’aurait formulé Leïla. Doux, certes, mais dans un sens plutôt sinistre… peut-être parce que cette porte symbolisait, en quelque sorte, un enfermement, une barrière entre elle et la liberté, pour la jeune femme claustrophobe ?

Toujours est-il, qu’apercevoir un visage inconnu était bienvenu, et Leïla accueillit sa collègue avec un sourire aimable. Le visage lui était connu et classifié au rang de ‘collègue’, mais il lui fallut fouiner un peu plus loin dans la base de donnée pour retrouver le nom qui allait avec : Hawke, Jordan Hawke. Médecin tout juste sortie de ses études avec des résultats excellents si ses souvenirs étaient bons. A ses heures perdues, elle avait consulté la base de donnée du personnel médical de l’expédition afin de savoir avec qui elle travaillerait. Elle avait retenu l’essentiel, assez pour en conclure qu’ils faisaient tous partie de la ‘crème terrienne’, comme on pouvait s’y attendre pour une telle mission. C’est pourquoi, même si elle ne connaissait pas son interlocutrice, elle lui répondit tranquillement (enfin, son désir de ne pas réveiller son patient en étant aussi l’une des raisons), d’égal à égal.

« Bonjour. Pas du tout, je vous en prie, vous êtes bien placée pour savoir que la porte d’une infirmerie est toujours ouverte… » proposa-t-elle sur un ton légèrement plus bas et compréhensif.

Elle sourit, faisant pivoter son siège pour faire face à Jordan, et eut un geste de la main l’invitant à se mettre à l’aise. N’ayant rien d’urgent à faire, elle avait tout son temps pour discuter en attendant que son remplaçant la remplace. Et puis, un peu de contact social ne faisait pas de mal dans ce genre de situations où vous étiez coupé de tout, principalement de votre famille. Leïla pencha la tête, intriguée, lorsque son interlocutrice lui avoua ne pas avoir réussi à dormir. Elle sourit de manière compréhensive. C’était un problème récurrent parmi le personnel de l’expédition d’après ce qu’on lui avait confié et ce qu’elle avait deviné. Ce qui était fort compréhensible. Elle devait bien avouer qu’elle-même avait parfois quelques difficultés à s’endormir. Etre loin de ses proches, loin de son monde, dans une cité extraterrestre inconnue et potentiellement dangereuse… il fallait avouer qu’il y avait de quoi.

« Les couchettes désagréables en sont-elles les indignes coupables ? » demanda-t-elle sur le ton de la plaisanterie. « ou bien la nostalgie ? »

La nostalgie, Leïla n’en était finalement pas aussi touchée que certains. Elle avait, après tout, acceptée cette mission en partie pour couper les ponts, et prendre un nouveau départ… Bien entendu, elle pensait à ses parents et à sa planète, mais ce n’était pas la première fois qu’elle vivait une telle expérience, même si c’était la plus longue… Peut-être plus tard commencerait-elle à regretter, pour le moment, elle allait de l’avant.

« Eh bien, le docteur Beckett est sensé me remplacer, mais je pense qu’il ne refusera pas que vous preniez son tour. » répondit-elle en haussant distraitement les épaules avec un petit sourire amusé. « Il sera sans doute plus que pressé de pouvoir retourner à ses études sur la thérapie génique qu’il met au point. » remarqua-t-elle.

Leïla n’avait jamais eut une formation de psychologue, tout juste avait-elle eu, comme tout médecin, des cours basiques afin de pouvoir gérer au mieux les comportements de leurs patients. Et, dans ce genre de cas, c’était plus le caractère ouvert du médecin qui jouait. Il fallait être social, patient, et compréhensif, bref, avoir le feeling. Or, Leïla fonctionnait plus ou bien dans ce domaine, cela dépendait surtout de la personne qu’elle avait en face d’elle, de son ouverture d’esprit principalement… les personnes bornées lui passaient vraiment très loin au dessus. Mais elle ne pensait pas avoir ce problème avec Jordan, c’est pourquoi elle avait volontairement instauré le dialogue. Même si elle n’allait sans doute pas apporter la réponse miracle, parler de ses soucis, partager et être compris, faisait toujours du bien.

Elle était bien placée pour le savoir. Après la violente dispute qui lui avait coûté la majorité de son audition de l’oreille gauche, elle avait passé une heure, chaque semaine, chez un psy, voir une par jour dans les première semaines. Elle se sentait à l’aise avec la personne qu’elle consultait et elle avait littéralement vidé son sac, pleurant sans aucune honte, alors qu’elle s’était restreinte en face du Général O’neill, par gêne, par honte...

« En ce qui concerne votre famille, c’est tout à fait normal. Personnellement, j’ai été sévèrement secoué lorsque j’ai quitté les miens, à Haïti, pour partir étudier, seule et dans un pays qui n’était pas le mien, à Harvard. Ce qui m’a fait tenir, c’était ma passion pour la médecine. » avoua-t-elle en toute honnêteté, afin de mettre en confiance son interlocutrice. Un prêté pour un rendu, un aveux pour un autre, c’était comme ça qu’avait fonctionné sa psy, afin de ne pas la mettre mal à l’aise de se dévoiler ainsi. Elle avait beaucoup appris d’elle.

*On s’enterre sous le travail pour ne pas penser, mais il faut aussi s’ouvrir aux autres, sans quoi on craque, et ça je doute que tous l’ait compris ici… Pourtant cette situation a un avantage : tout le monde est dans le même bateau… enfin, cité perdue plutôt.*

L’aveu suivant de Jordan fut plus attendu néanmoins. Se sentir comme un étranger ici ? Certes, et pas qu’un peu. Mais comme un squatteur, comme semblait vouloir le formuler son interlocutrice… ça pouvait se défendre, mais elle n’avait pas vraiment vu cela sous cet angle.

« Vraiment ? En ce qui me concerne, il est certain que je ne trouve pas ma place dans une cité en métal à l’architecture très futuriste et aux technologies que je ne comprend pas, et ne peut pas faire fonctionner. Mais ce que j’ai vu en arrivant ici, ce n’est pas une demeure dont les propriétaires sont partis en vacances, mais une vaste cité abandonnée au temps, dont les décorations végétales ont dépéries, les meubles empoussiérés et les batteries épuisées. Je ne sais pas si cela pourra vous aider, mais je doute que les propriétaires de ces lieux soient à même venir nous accuser d’utiliser quelque chose qu’ils ont laissé à l’abandon, prêt à servir à d’autres qu’eux, à des personnes qui en ont besoin et qui ne font pas grand chose de mal. » remarqua-t-elle tranquillement en haussant les épaules.

Son interlocutrice s’étant assise face à elle, Leïla, un coude posé sur le bureau, et les jambes croisées tandis qu’elle faisait face à Jordan, hocha distraitement la tête quant aux commentaires sur Beckett, leur médecin en chef.

« Oh, je vous rassure, il a fait ses provisions personnelles, mais en ce qui concerne son sommeil, par contre, je ne jurerais de rien… Personnellement, je ne me débrouille pas trop mal en géni-génétique _mieux qu’en chirurgie tout du moins_, et j’ai eu l’occasion de lui donner un coup de main pour la mise en pratique, mais il préfère généralement travailler seul sur les applications théoriques. » confia-t-elle.

Lorsque Jordan entama les présentations, qu’elle avait failli oublier personnellement, sachant d’hors et déjà son nom, Leïla accepta sa main tendue avec le sourire.

« Leïla Willoughby, spécialisée en botanique. Tout le plaisir est pour moi. »

Ne souhaitant pas brusquer son interlocutrice, qui n’était même pas une patiente qu’elle devait aider, mais bien une collègue avec qui elle sociabilisait (ne mélangeons pas tout), Leïla lui laissait l’entière direction de leur discussion. Ainsi, lorsqu’elle choisit de ne pas prolonger leur conversation sur le mal du pays et l’intrusion dans la cité des Anciens, elle ne fit rien pour relancer le sujet. De toute manière, elle doutait pouvoir faire grand chose pour aider Jordan : elle n’était pas psy, elles n’étaient pas proches, et c’était principalement un travail sur soi-même qui devait être fait, donc…

*Tiens, ça me rappelle que la psy de l’expédition doit avoir du pain sur la planche… si seulement les membres n’étaient pas tous trop fiers pour aller la voir.* pensa-t-elle distraitement en retenant un sourire en coin.

Car si les membres de l’expédition faisait tous partie de la ‘crème terrienne’, les personnes talentueuses avaient généralement un caractère bien affirmé, parfois même hautain… il n’y avait qu’à voir le scientifique-en-chef… mh… McKay, si ses souvenirs étaient bons. Et tant de caractères forts rassemblés ensemble, dans un endroit clos… ça risquait de faire des étincelles… il n’y avait qu’à voir ceux qui arrivaient à l’infirmerie, tous n’étaient pas blessés suite à un banal accident. Heureusement, ce n’était qu’une minorité, mais cela faisait désormais deux semaines qu’ils étaient tous quelque peu sur les nerfs à cause de cette situation particulièrement inhabituelle. Il était clair que certains avaient besoin de prendre l’air… et pas seulement sur un balcon, comme Leïla pouvait s’en contenter.

Le commentaire de Jordan sur les provisions militaires ramena la botaniste sur terre, et elle se permit un sourire, puis un léger rire avant de répondre :

« D’aussi fade et écœurant ? » proposa-t-elle, tout à fait d’accord sur la question, même si ces qualificatifs étaient encore trop faibles. Elle avait failli recracher la première barre nutritive qu’elle avait essayé d’ingurgiter. Et c’était bien parce qu’il n’y avait pas grand chose d’autre à avaler qu’elle se forçait à manger ces cochonneries. Elle allait finir par maigrir… « Oui, vous lisez dans mes pensées. Moi qui ai l’habitude de toujours manger frais, je suis plus que pressée qu’un échange soit conclu… de plus, ça me permettra de faire mon travail. » remarqua-t-elle après coup avec un signe de tête appréciateur. Elle aimait bien faire mumuse avec les végétaux, que voulez-vous…

Le sujet dévia à nouveau sur le professeur Beckett, et les hommes en général, et, là encore, Leïla rit de bon cœur, bien qu’une arrière pensée désagréable coupa court plus tôt que prévu à son amusement. Se souvenir de Nielson lui coupait toujours toute envie de rire.

« Vous parlez par expérience peut-être ? » plaisanta-t-elle néanmoins, tâchant de cacher son trouble en esquissant un petit sourire amusé. « Mais, je dois encore vous donner raison… » avoua-t-elle avec un sourire plus franc cette fois-ci.

Discuter de manière aussi complice avec quelqu’un, une femme, une collègue, qui partageait son point de vue, c’était toujours agréable. Et, les présentations faites, Leïla ne douta pas qu’une relation plus que cordiale s’installerait, avec le temps (et ils en avaient du temps devant eux, à moins qu’ils ne meurent de faim après avoir mangé pendant des mois des barres énergétiques, ou qu’ils ne se fassent aspirer leur énergie vitale par les Wraith… à vrai dire il y avait pas mal de possibilités, plus qu’en ce qui concernait un éventuel retour sur Terre), entre les deux femmes médecins.

Un grognement sortit Leïla de ses pensées, et elle fit pivoter sa chaise pour jeter un coup d’œil à son patient. Il ne semblait pas s’éveiller, plutôt en train de s’agiter dans son sommeil, mais elle se leva néanmoins pour vérifier qu’il n’avait besoin de rien. Dans le même temps Jordan lui demanda pourquoi il se trouvait là. La Haïtienne eut un petit sourire en coin de dérision tandis qu’elle s’avançait vers le lit du militaire.

« Avec un peu de patience, j’ai cru comprendre qu’il eut un léger différent avec un possesseur du gène des anciens, résultant par la malencontreuse fermeture d’une porte lui ayant écrasée la main. » Elle se retint de rouler des yeux tandis qu’elle posait gentiment une main sur le front de sa patient pour vérifier qu’il n’était pas sujet à de la fièvre. Ce serait étonnant, mais mieux valait être prévenant. « Il a une légère plaie, et une jolie ecchymose ne tardera pas à apparaître, sans nul doute, même si je lui ai donné du contre-coup… Il aura quelques difficultés à se servir de sa main gauche pendant quelques jours… »

Jordan avait beau connaître Leïla depuis, quoi, cinq minutes à tout casser, et elle sentait que le courant passait extrêmement bien entre les deux jeunes femmes. Ca n’arrivait pas souvent à Jordan. Sur Terre, elle avait son petit cercle d’amis, et passant son temps dans ses bouquins ou à l’hopîtal, elle n’avait pas souvent le temps de faire de nouvelles rencontres, pourtant elle aurait bien aimé, ne serait-ce que pour se changer un peu les idées quelques fois...

Enfin bref, la conversation qu’entretenait les deux jeunes femmes faisait de nombreux détours parmi des sujets divers et variés, partant des premières impressions concernant la cité, au mal dont souffrait le patient installé sur l’une des couchettes de l’infirmerie, en passant par la nourriture immonde servit par les militaires, les recherches du docteur Beckett, ou encore les hommes et leur caractère « sauvage et primitif ». D’ailleurs en parlant de cela, lorsque Leïla lui demanda si elle parlait par expérience lorsqu’elle critiquait (amicalement) les hommes, Jordan lui répondit :

« On pourrait dire que oui. Avec deux hommes dans ma vie, je peux dire que j’ai un assez bon échantillon de la gente masculine. En plus quand l’un d’eux est militaire, on a vite fait le tour. »

Jordan sourit. Bien entendu, ce qu’elle disait n’était en rien méchant. Elle ne faisait que taquiner la gente masculine, comme eux taquinaient la gente féminine avec leurs réflexions de machos. Pour une fois que les femmes avaient leur mot à dire, elle n’allait pas se gêner (et techniquement, un homme était dans la pièce, donc si vraiment ça le dérangeait, il pouvait toujours exprimer son mécontentement... Ah il dort ? Ca ne changer rien :q ^^)...

« Le pire avec les hommes, je pense que ce sont les championnats ; que ce soit de football, ou de base-ball... Pendant ces périodes, on ne peut rien obtenir d’eux : même pas un coup de main pour sortir le chien... »

D’ailleurs, pourquoi parlait-elle de chien ? Elle n’en avait pas. Oula, Jordan devrait vraiment faire en sorte de trouver du temps pour dormir dans la journée, sinon elle ne donnait pas chère de sa santé psychologique. Espérons que Leïla ne relèverait le commentaire qu’au premier degré, sans approfondir, sinon elle pourrait découvrir que Jordan pouvait partir dans des délires sans fin lorsqu’elle manquait de sommeil...

Puis la conversation continua à son rythme pendant encore quelques minutes. Finalement, elle s’arrêta brutalement lorsqu’un grognement sonore se fit entendre. Dans un même mouvement, Jordan et Leïla se retournèrent vers le patient toujours endormie sur sa couchette. Leïla réagit alors de la même manière que Jordan aurait réagit si elle avait été de garde : elle se leva et se rendit au chevet du patient. Jordan questionna alors Leïla quant au pourquoi de la présence du militaire à l’infirmerie...

Jordan apprit donc que, après avoir fait preuve de patience, Leïla avait finit par comprendre que le militaire avait eu une altercation (enfin un léger différent pour reprendre ses propres termes), avec un possesseur du gène des anciens ; et que cette petite altercation s’était terminée par une fermeture de porte sur la main du militaire. Jordan n’avait jamais pris la peine de regarder les portes sous tous les plans, mais elle aurait juré que les portes auraient pu carrément couper la main du militaire... Une chance alors qu’elle se soit trompée...

Jordan rejoignit Leïla au chevet du patient, et sans rien faire de ses mains, elle laissa son regard parcourir le corps du militaire (avec tout le professionnalisme dont elle était capable bien sûr, ca va de soi). Elle ne se serait jamais permis de toucher aux bandages, ou de ré-ausculter le patient sans la permission de Leïla, et surtout pas lorsque ce n’était pas son tour de garde. C’est donc simplement du regard qu’elle l’ausculta en silence (^^)...

Leïla expliqua alors que la patient n’avait qu’une légère plaie, et qu’une magnifique ecchymose viendrait pimenter le tableau, mais sûrement sans plus. Elle ajouta qu’il aurait sûrement du mal à se servir de sa main gauche pendant quelques jours, mais en bon docteur, Jordan comprit que cela signifiait que, en gros, il ne souffrait de rien de grave.

« Tant mieux alors » murmura-t-elle pour ne pas réveiller le patient ; qui d’ailleurs se retourna une nouvelle fois dans son sommeil, avec un nouveau grognement. Voyant la main de Leïla toujours posée sur le front du militaire, Jordan lui demanda :

« A-t-il de la fièvre ? »

Puis sa curiosité maladive reprenant le dessus, elle demanda :

« Et l’altercation a eu lieu où précisément ? »

Jordan préférait se renseigner au cas où. Après tout, ils étaient sur une cité laissée à l’abandon depuis des dizaines de milliers d’années ; alors qui pouvait savoir quel genre de germes, de bactéries ou autres virus, avait pu se développer dans la cité. Et la cité comptant tellement de laboratoires, comment en deux semaines auraient-ils pu découvrir si des études en matières de biologie unicellulaire, ou de virologie avait été menée dans la cité... Mieux valait prévenir que guérir...

Deux hommes dans la vie de Jordan Hawke ? Eh bien… voyons, en comptant, son père, ses deux frères, son défunt époux, et Nielson… cela en faisait cinq dans la vie de Leïla. Et le dernier était un militaire également, tout du moins militaire aigri et banni de l’armée. A vrai dire, maintenant qu’elle y repensait, Leïla avait vraiment côtoyé un joli échantillon de la gente masculine, du meilleur au pire… Il était regrettable que le pire soit le plus récent… cela avait tendance à gâcher le tableau.
Ainsi, Leïla ne sourit pas sur ce point mais hocha volontiers la tête, la gorge quelque peu serrée, pour assurer qu’à son interlocutrice qu’elle partageait son point de vue sur les possesseurs du chromosome Y.
En parlant de championnats, la jeune femme haïtienne était sans aucun doute dégoûtée à vie, ce genre de choses lui rappelaient de mauvais souvenirs… entre autre un enfermement dans la cave tandis que Nielson hurlait après un gardien de but en 2D… Des mois après, elle se demandait encore comment elle avait pu résister jusqu’à ce jour où elle aurait pu perdre la vie… mais elle en connaissait la réponse.

Perdue dans ses pensées moroses (voilà que c’était de parler tout à fait normalement à une personne tout à fait agréable qui la déprimait, elle, et non d’être seule, ça en serait inquiétant…) Leïla ne releva pas le commentaire incriminant de son interlocutrice, et la laissa continuer la conversation.
Le gémissement de son patient fut finalement le bienvenu, la tirant ainsi de ses pensées et offrant à son esprit quelque chose de tangible et de familier avec quoi s’occuper. De plus, bouger lui permettait généralement de mettre ses idées au clair.

Elle posa une main fraîche sur le front de son patient et ne nota rien de particulier. Il ne semblait pas non plus être couvert de sueur. Il fronçait les sourcils dans son sommeil et elle pencha pour un cauchemar plutôt que pour une montée de fièvre. Faire de mauvais rêves, vue la situation, ne lui semblait pas surprenant, même pour un militaire bien accroché.

« Non, je ne pense pas. » répondit-elle distraitement à la question de Jordan. « J’ai désinfecté sa plaie, et, vue la morosité qui le caractérisait lorsque je le soignais, je pencherais plutôt pour un mauvais rêve. Ca ne m'étonnerait pas que l'on ait quelques cas de dépression à gérer bientôt, même si nous avons tous passé des tests de personnalité draconiens, sans un peu de mouvement certains vont atteindre leurs limites... »

Lorsqu’il se retourna dans son lit, Leïla saisit doucement le drap laissé sur le côté par ce mouvement abrupt et l’en recouvrit soigneusement. Le thermostat de la cité d’Atlantis ne semblait pas branché sur vingt degrés Celsius, chacun se promenait avec au moins deux épaisseurs (pour les plus réchauffés), et il ne manquerait plus qu’il se produise une épidémie de pneumonie pour remplir l’infirmerie.

« Près de l’armurerie je crois, il était sensé y prendre sa garde à cinq heures du matin. J’ai dû moi-même contacter son supérieur _je l’ai même réveillé_ pour qu’il trouve un remplaçant. Encore deux qui seront de mauvais poil aujourd’hui. » plaisanta-t-elle, relevant les yeux sur Jordan avec un sourire complice.

Le jeune militaire semblant retrouver un sommeil paisible, Leïla préféra s’éloigner pour ne pas l’éveiller. Même en chuchotant, elle avait été rendu méfiante par l’oreille aiguisé de certains militaires (son ancien compagnon, pour ne pas le citer). De plus, elle savait avoir tendance à parler un peu plus haut qu’elle ne le pensait à cause de son propre problème d’audition. L’un de ces collègues du SGC lui avait gentiment fait la remarque.

« Dès que le Docteur Beckett arrivera nous lui proposerons que vous preniez sa place et je vous laisserais ce cher… » Un rapide regard sur le dossier qu’elle avait abandonné sur le bureau. « Caporal Williamson à vos soins. Il est bourru mais facile à amadouer avec un peu de persuasion. Vous devez avoir l’expérience… » remarqua-t-elle, faisant référence à son commentaire sur la présence d'un militaire dans son entourage.

Le patient, ou plutôt l’unique patient, présent à l’infirmerie gémit dans son sommeil, à l’autre bout de l’infirmerie. Ce fut le signal en quelque sorte qu’il était temps de parler d’autre chose que des hommes, et du docteur Beckett : la preuve, la conversation des deux jeunes femmes dévia sur le jeune militaire installée sur une des couchettes...

Après s’être approchée de son patient, l’une des premières réactions de Leïla furent de poser sa main sur le front de son patient, pour s’assurer qu’il n’ait pas de fièvre. Jordan posa la question, et Leïla lui fit signe que non. Puis elle ajouta qu’elle avait désinfectées la plaie, et qu’elle pensait qu’il ne s’agissait que d’un mauvais rêve. Jordan acquiesça l’écoutant rajouter que ça ne l’étonnerait pas que plusieurs cas de dépression apparaissent d’ici quelques jours...

« Vous m’étonnez. Etre obligé de rester pour ainsi dire cloîtrer dans un lieu, sans possibilité de réellement sortir, sans magasin, et tout ce qui fait que notre vie d’avant nous manque, tout ça réunit ne pourra qu’entraîner des dépressions. »

Jordan paraissait pensive. Etait-ce encore cette fichue nostalgie qui revenait, ou simplement la fatigue qui se décidait à venir maintenant que Jordan n’avait plus envie de dormir, mais seulement envie de bosser et de s’occuper.

*Je sens que cette journée va être riche en « péripéties ». Dormir ou ne pas dormir ? Telle est la question...*

Et voilà, Jordan commençait à repartir dans des délires solitaires, avec son elle-même intérieur, comme elle s’amusait à parler de sa conscience, cette petite voix dans sa tête. Mais revenant à elle, elle questionna Leïla sur l’endroit où l’homme s’était fait cela. Leïla lui répondit qu’elle pensait que c’était près de l’infirmerie, juste avant qu’il ne prenne son tour de garde vers les cinq heures. A cette heure-là, Jordan se rappelait qu’elle hésitait entre continuer à tourner dans son lit, ou se lever pour faire autre chose.

*Oh moins, s’il y avait eu une urgence médicale, tu aurais été capable d’intervenir rapidement, c’est déjà ça...*

Leïla continuait de parler, et reprenant le cours de la discussion, Jordan entendit Leïla dire qu’elle avait été obligé de contacter elle-même son supérieur pour qu’il trouve un remplaçant... Hum, son supérieur ? Ce n’était pas... ce... arf, Jordan était persuadé que ça commençait par un s.... Major Sho... Sha... She... oui Sheppard. Eh bah, Jordan s’avait par expérience qu’un militaire n’aimait pas être dérangé pendant le peu de sommeil qu’il pouvait avoir. Jordan imagina alors Leïla se faire sermonner par oreillette interposée, simplement pour avoir ne serait-ce que penser à prévenir le Major...

*Espérons que je me trompe et qu’elle parle d’un autre militaire.*

Enfin bon, Leïla semblait être une personne avec un fort tempérament et un sens de la répartie, alors si cela avait bien était le Major Sheppard, il aura sûrement apprécié de discuter avec une militaire de tempérament (oki, je sors ---> [])...

Après un rapide échange de sourire, le militaire gémit une dernière fois avant de replonger dans ce qui semblait être un sommeil paisible. Suivant alors Leïla, Jordan s’éloigna à son tour, retournant là où elles étaient quelques instants plus tôt.

La discussion revint alors sur Beckett, Leïla faisant le point sur ce que les deux jeunes femmes devraient faire à l’arrivée du docteur Beckett : à savoir, lui demander si Jordan pouvait prendre sa place pour le prochain quart de garde. Puis ensuite, elle lui donna quelques conseils concernant le militaire : à savoir qu’il était un peu bourru, mais facile à amadouer avec un peu de persuasion.

« Oh, oui, même plus que de l’expérience... » dit Jordan en souriant et en repensant à des souvenirs de quand elle était petite, jouant la carte du charme avec son papa pour obtenir par exemple une nouvelle poupée, ou sachet de bonbon, avec ce regard qu’on les enfants pour convaincre leurs parents... C’était il y a longtemps, lorsque sa mère était encore en vie...

Pour éviter de sentir une larme couler sur sa joue, Jordan fit mine de vouloir cacher un bâillement, s’assurant par la même occasion que Leïla ne se rendrait compte de rien. S’il y avait bien un sujet que Jordan avait du mal à aborder, c’était la question de la mort de sa mère et ce qu’elle ressentait vis-à-vis de cela...

L’insertion du mot ‘magasin’ dans la liste des choses dont il était difficile d’être séparé et qui risquait de mener à la dépression fit sourire Leïla. Il était vraiment facile de reconnaître les citadins. La jeune haïtienne, qui avait appris à se contenter de ce qu’elle avait n’aurait sans doute pas placé ce mot dans sa liste, même s’il était vrai qu’elle appréciait passer un peu de temps à chiner dans les magasins durant son temps libre, afin de s’aérer l’esprit et de voir de nouvelles choses… C’était un bonus que lui offrait son salaire confortable et qu’elle avait appris à apprécier depuis qu’elle avait fait un peu de mannequinât, mais un bonus dont elle pouvait se passer…

Son interlocutrice semblant perdue dans ses pensées, peut-être à cause de la nostalgie, Leïla décida de ne pas relever, mais elle garda néanmoins un petit sourire amusé en coin jusqu’à ce Jordan la questionne et qu’elle reprenne son sérieux professionnel. Elle aurait été un grand professeur en médecine questionné par une interne que la situation aurait été similaire : sérieux professionnel et respect dans leur manière de s’adresser l’une à l’autre. Il n’y avait pas à dire, la médecine vous change un Homme…

La conversation sur leur brave militaire, comme le reste de leurs sujets de discussion, et elles en revinrent irrémédiablement au docteur Beckett. Il fallait avouer que Leïla était, malgré la façade qu’elle gardait, quelque peu fatiguée, et seule sa conscience professionnelle l’empêchait de refiler son patient à Jordan et de partir piquer un somme dans ses quartiers. Ainsi l’arrivée de son supposé remplaçant serait la bienvenue… en espérant que, lui, n’ait pas oublié de se réveiller après avoir travaillé trop tard sur ses expériences. Ce serait d’un classique…

Elle sourit avec amusement lorsque Jordan lui confirma qu’elle avait l’habitude des hommes bourrus qu’il fallait amadouer. Que ce soit de son père ou de l’homme qui occupait son cœur, elle semblait caler sur le sujet… et pleinement comblée… enfin, c’est-ce qu’elle laissait paraître. Leïla ne s’était intéressée qu’aux études et aux antécédents professionnels de ses collègues, ne se permettant pas de consulter ce qui concernait leur vie privée. Il était, de toute manière, bien plus intéressant et plus poli de le découvrir par soi-même.

Alors que chacune semblait plonger dans ses pensées, la porte et son doux bruit, plus ou moins agréable selon les personnes, se fit entendre. Le tant attendu Docteur Beckett fit son apparition, une barre énergétique à la main et arborant une expression affligée. Leïla baissa les yeux sur sa montre. Il avait huit minutes de retard.

« Désolée Leïla, je… »
« Aucun problème Carson. » le coupa-t-elle rapidement. « Jordan, ici présente, se proposait pour prendre ma relève à votre place, afin de vous permettre de continuer vos recherches. »

Tandis qu’elle expliquait la situation, la jeune femme s’était levée et avait rassemblé le peu de ses affaires personnelles qu’elle avait amené durant sa garde, à savoir son ordinateur portable et quelques papiers.

« Mh… » fit le Docteur Beckett en avalant un morceau de sa barre nutritive. « Jordan, je vous revaudrai ça ! » s’exclama-t-il avec enthousiasme sans que l’idée de protester ne lui vienne à l’esprit, ce qui montrait bien son intérêt pour ses recherches. « J’y suis presque, je sens que j’y suis presque ! »

Leïla adressa un sourire amusé et complice à Jordan. Le pauvre homme devait être aussi surexcité qu'exténué. Ramenant ses affaires contre sa poitrine elle se dirigea vers la sortie.

« Eh bien, Jordan, nous allons vous laisser, je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit de plus à signaler. Bonne Journée à vous. » assura-t-elle tranquillement sur le pas de la porte.

[HJ : Lorsque l’inspiration disparaît, il ne faut pas forcer. ^^ De toute façon, on avait fait le tour… Je te laisse clore. ]

Les deux jeunes femmes étaient complètement perdues dans leurs pensées, laissant leurs esprits voguaient au loin dans un monde imaginaire. Jordan connaissait parfaitement ces « symptômes » : le début de la fatigue... Pourtant, Jordan était une de ces rares personnes, qui même fatiguées, pouvaient encore trouver l’énergie pour faire quelque chose. Et d’ailleurs, c’est ce qu’elle comptait bien faire en ce début de matin : le travail avait le pouvoir de la garder éveiller et en pleine forme, comme une perfusion de vitamines C...

Soudain, la porte s’ouvrit, avec ce petit bruit caractéristique que Jordan appréciait tant. Sursautant un peu, Jordan tourna la tête et reconnut immédiatement son supérieur : le docteur Beckett. Ce dernier avait une barre énergétique « made in military », et une expression affligée sur le visage. Un mouvement furtif attira l’attention de Jordan : Leïla venait de regarder sa montre...

*Ah oui, j’avais presque oublié cela...*

Jordan se rappelait soudainement ses nuits de gardes à l’hôpital. Lorsque la fin de la garde approchait, tous les internes étaient là, vissés à leur montre, attendant avec impatience que la grande aiguille termine l’n-ième tour du cadran. C’était à la fois le bon temps, et un passé heureusement révolus...

Jordan revint à elle en entendant la voix de Leïla. Cette dernière était en train d’expliquer, d’après le peu qu’elle entendit, que Jordan s’était portée volontaire pour assurer pour la prochaine garde, afin de permettre au docteur Beckett de travailler sur son projet médical.

La réaction du docteur Beckett ne surprit pas Jordan : il accepta immédiatement, avalant presque de travers le morceau de sa barre nutritive qu’il était en train de mastiquer avec acharnement. Ce dernier dit alors, sur un ton exclamatif, qu’il lui revaudrait cela un jour ou l’autre...

« Je tâcherais de m’en souvenir » dit Jordan un sourire taquin aux lèvres avant d’ajouter : « Et souvenez-vous que j’oublie rarement ce genre de choses... »

Petite allusion à sa mémoire, parfois défectueuse en certaines circonstances. Le regard des deux femmes se croisa alors, et un sourire amusé et complice fut échangé l’instant d’après. Leïla resserra sa prise sur les affaires qu’elle tenait dans ses bras, et sur le palier de la porte, elle salua une nouvelle fois Jordan, ajoutant qu’elle ne pensait pas avoir oublié de préciser quelque chose :

« Au pire, si j’ai vraiment un problème je vous contacterais » dit-elle en montrant l’oreillette... « Mais seulement en cas d’extrême urgence » souligna-t-elle, au cas où Leïla souhaitait se reposer après sa nuit de garde.

Beckett suivit les pas de Leïla, et il se retourna sur le palier pour saluer une dernière Jordan en la remerciant :

« De rien, docteur Beckett, je n’ai rien à d’autre à faire de toute façon. Allez, et bon courage pour vos recherches... »

Sur un dernier sourire échangé, Beckett disparut derrière la porte, tout comme Leïla. Jordan se retrouva seule. Inspirant profondément, elle lança un regard autour d’elle, puis se pinçant les lèvres elle dit à mi-voix :

« Bon, tâchons d’en apprendre un peu plus sur vous Caporal Williamson », voyant le dossier de ce dernier traîner encore sur le bureau. Prenant place dans le fauteuil, Jordan ouvrit le dossier, et commença à le feuilleter : c’était toujours bon de connaître le passé médicale d’une personne, même si ce n’était que dans un esprit de lecture banale...